Je te livre mon avis sur ce magnifique film d’animation qu’est Le conte de la Princesse Kaguya, dernier né des mythiques Studios Ghibli…
S’il y a bien quelque chose qui fait que je ne regrette pas mes années d’apprentissage du japonais, c’est bien la littérature de l’ère Heian (794-1185). Parmi les contes écrits durant cette période que j’affectionne figure Le conte du coupeur de bambous (「竹取物語」Taketori no monogatari ), également connu sous le nom de…
Quelle ne fut pas ma joie quand j’ai appris que Isao Takahata, l’autre figure de proue des studios Ghibli avec Hayao Miyazaki, allait adapter le conte sur grand écran.
Le réalisateur du poignant Tombeau des Lucioles (1988) et du touchant Souvenirs goutte à goutte (1991) se fiche bien du budget, du temps que prendra la finalisation et de la popularité de ses films. Longs métrages qui, par leur mélancolie et leur réalisme, presque leur naturalisme, contrastent souvent avec le merveilleux et l’onirisme de Miyazaki.
Le conte de la Princesse Kaguya est donc le résultat d’une idée qui germe dans la tête de Takahata depuis une cinquantaine d’années, rien que ça.
Et ça valait le coup d’attendre…
C’est l’histoire d’un coupeur de bambous qui découvre une petite fille dans une pousse de bambou. Ressemblant au début à une petite poupée, elle se mue en bébé qui grandit très vite en arrivant au foyer du coupeur et de sa femme. Son enfance se déroule dans la joie et la quiétude à la campagne, où elle joue et ramasse des victuailles avec ses amis qui ne manquent pas de remarquer sa singulière croissance, la surnommant « Pousse de Bambou ». Parfois, celle-ci entonne une chanson dont elle ne connaît pas l’origine, et qui revient comme un leitmotiv dans le film.
C’est alors que son père adoptif découvre de l’or et de sublimes étoffes à l’endroit où a « poussé » la petite fille. Il en conclut que le ciel la destine à être une grande princesse et se rend à la capitale pour lui ériger un palais et trouver une dame de la cour qui l’éduquera comme telle.
Notre jeune et tumultueuse héroïne a bien du mal à s’acclimater à tous les artifices et la solitude qui représentent sa vie de Princesse, ces rituels étranges qui sont typiques de la noblesse de l’époque comme le kimono à douze couches (十二単 jûnihitoe), les sourcils totalement épilés, les dents peintes en noir ( お歯黒ohaguro ) ou l’impossibilité de participer à une fête qui la met pourtant à l’honneur, recluse avec pour seule compagnie sa servante, alors que tous festoient.
Pourtant, alors qu’elle est dissipée et impatiente durant ses leçons, la jeune Princesse maîtrise le koto et les façons de la cour étonnamment vite, au point qu’elle va attiser la curiosité et l’intérêt de nombreux prétendants.
On retrouve ici des thèmes chers aux studios Ghibli : des demoiselles fortes et sensibles, avec l’amour de la nature et une soif de simplicité et d’authentique. La scène dépeinte ci-dessus est magique, puissante, accompagnée par la musique savamment orchestrée de Joe Hisaishi (qui compose d’habitude pour Miyazaki, mais aussi pour Kitano).
Je ne peux vous en dire plus sur l’intrigue sans trop en dévoiler. Le conte de la Princesse Kaguya est un film où le réalisme est ancré (scènes de tissage, de sculpture de bols en bois, jardinage, festins à la cour) et où le merveilleux vient s’immiscer tout naturellement. La joie, l’humour et la mélancolie se font suite, se superposent, Le conte du coupeur de bambous original prend vie en 4 dimensions sous nos yeux avec un florilège de paysages du Japon pré-médiéval, des personnages bien écrits, et surtout, une Princesse Kaguya dont on partage tous les états d’âme.
Les dessins esquissés (comme dans Mes Voisins les Yamada, 1999) peuvent paraître surprenants au début, mais plus le film se déroule sous les yeux, et plus il fait penser à une estampe. Le mouvement est rendu de façon superbe, autant dans la finesse des petits gestes du quotidien que dans les scènes plus dynamiques.
Bref, c’est un film que j’attendais depuis longtemps et dont j’ai décalé le visionnage ( Peur d’être déçue ? Ou envie de retarder le plus possible le plaisir de voir, pour la dernière fois, peut-être, l’énième chef d’oeuvre du célèbre studio au cinéma). C’est l’un de ces films dont j’aimerais oublier l’intrigue après chaque vision, pour avoir le plaisir de le redécouvrir intégralement à chaque fois. Mais ça n’arrivera pas.
Comme deux autres films de Takahata que j’adore, le Tombeau des lucioles et Souvenirs goutte à goutte, le Conte de la Princesse Kaguya est inoubliable.
Si toi aussi, ce conte en images a fait travailler tes glandes lacrymales jusqu’à la sécheresse oculaire et fait battre ton coeur jusqu’à réveiller ton voisin, alors tu peux jeter un oeil à mes autres critiques, ci-dessous, ou bien me suivre sur les réseaux sociaux, en cliquant sur les boutons au dessus.
Tu peux également consulter ces liens :
- Un résumé complet du conte original
- La biographie d’Isao Takahata sur Buta Connection, site sur les studios Ghibli