Le conte de la Princesse Kaguya

Je te livre mon avis sur ce magnifique film d’animation qu’est Le conte de la Princesse Kaguya, dernier né des mythiques Studios Ghibli…

S’il y a bien quelque chose qui fait que je ne regrette pas mes années d’apprentissage du japonais, c’est bien la littérature de l’ère Heian (794-1185). Parmi les contes écrits durant cette période que j’affectionne figure Le conte du coupeur de bambous  (「竹取物語」Taketori no monogatari ), également connu sous le nom de…

 

Le conte de la princesse Kaguya

Le conte de la princesse Kaguya

Quelle ne fut pas ma joie quand j’ai appris que Isao Takahata, l’autre figure de proue des studios Ghibli avec Hayao Miyazaki, allait adapter le conte sur grand écran.

Le réalisateur du poignant Tombeau des Lucioles (1988) et du touchant Souvenirs goutte à goutte (1991) se fiche bien du budget, du temps que prendra la finalisation et de la popularité de ses films. Longs métrages qui, par leur mélancolie et leur réalisme, presque leur naturalisme, contrastent souvent avec le merveilleux et l’onirisme de Miyazaki.

Le conte de la Princesse Kaguya est donc le résultat d’une idée qui germe dans la tête de Takahata depuis une cinquantaine d’années, rien que ça.

Et ça valait le coup d’attendre…

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A royal affair, Hannibal à la cour du roi

Struensee ( Mikkelsen) réfléchit au futur lumineux du pays

C’est après avoir découvert le charismatique Mads Mikkelsen sous les traits d’Hannibal – dans la série du même nom – que je me suis intéressée de plus près à sa filmographie (je l’avais précédemment fait pour Edward Norton, Tony Leung ou Charlotte Gainsbourg).

Bref, c’est comme ça que je me suis retrouvée à faire la sieste devant Coco Chanel & Igor Stravinsky, à m’ennuyer devant Casino Royale, mais allez ne désespérons point. Tentons de regarder A royal Affair, sorti en 2012.


A Royal Affair (En kongelig affære, en danois) narre l’histoire vraie de la passion entre Caroline-Mathilde de Hanovre, qui fut la reine du Danemark de 1766 à 1775 et Johann Friedrich Struensee, alors médecin du roi.
Mouairf, encore une histoire de liaison niaiseuse, ai-je pensé, l’image d’une Coco glaciale et d’un Igor soupe au lait encore en tête. Que nenni, que nenni, cette histoire-là aura un impact non négligeable sur le paysage politique danois.

Une liaison emblématique

L’histoire d’amour est présente dans quasiment tout le film – bien que reléguée au second plan et servant d’alibi aux détracteurs – mais la relation la plus intéressante est celle entretenue par le roi et son médecin, instaurant bon nombre de lois progressistes à un rythme effrené.

Le roi Christian VII, un chouilla barré

Parce que notre Struensee (savamment interprété par Mads Mikkelsen), grandement inspiré par nos Lumières, va jouer de son influence sur le roi du Danemark, Christian VII (Mikkel Boe Følsgaard). Ce dernier n’est pas très stable, immature et plus intéressé par les « prostituées aux gros seins » que par sa femme et par la cour, qui le lui rendent bien.

La reine Caroline, mal barrée

Le personnage de la reine (jolie Alicia Vikander), dont les traits encore nubiles masquent un caractère bien trempé est également une bonne surprise. Les faits relatent une personnalité à part, naturelle et sans chichis, et c’est bien retranscrit dans le film. Au vu de ce que j’ai pu lire, la trame a su rester fidèle à la réalité (bien qu’en Histoire, rien ne soit jamais certain).

A Royal Affair, c’est enfin l’occasion de s’intéresser à l’histoire d’un pays somme toute assez discret mais non moins intéressant, à une époque où les changements instaurés par les Lumières font fleurir toute l’Europe, l’enveloppant d’un parfum de liberté nouvelle.

Et aussi, le film permet d’entendre l’interprète d’Hannibal à la moue énigmatique s’exprimer dans sa langue natale, ma foi, agréable à l’oreille. (C’est mon âme de curieuse linguistique qui parle, là)

« On est les Canadiens de l’Europe ! » dixit les Danois dans South Park

La vendetta d’un homme libre

Cela fait longtemps que je n’ai pas écrit sur un film. Ces temps-ci, la cadence (et le retard) avec lesquels je les regarde m’en ont empêchée. Je ne vais pas être originale en vous proposant au menu du western spaghetti arrosé d’une tonne d’hémoglobine à la Kurosawa. Bref, en parlant du dernier film de Quentin Tarantino, Django Unchained. Un article pour habituer à nouveau ma plume usée à gribouiller sur le 7ème art.

King Schultz
(C.Waltz)

C’est surtout pour moi (comme pour beaucoup) l’occasion de revoir l’interprète de l’ignoble mais très charismatique Colonel Hans Landa, personnage d’Inglorious Basterds (2009), le brillant Christoph Waltz. On a les mêmes ingrédients, un personnage intelligent, raffiné, cultivé et dont l’aisance à manier différentes langues semble fasciner Tarantino autant que nous. C’est sûrement ce qui a poussé notre réalisateur amoureux  de longues diatribes à collaborer à nouveau avec Waltz.

Le Docteur King Schultz, ancien dentiste devenu chasseur de têtes pour l’État, tout en étant un homme progressiste et empathique, va être l’élément déclencheur à la libération de ses chaînes du personnage principal, Django (Jamie Foxx), esclave à la recherche de sa dulcinée qui va s’avérer être un partenaire très doué dans le crime « légal ». Ils seront amenés à faire affaire avec l’esclavagiste « francophile » Calvin Candie (joué avec brio par un Leonardo DiCaprio transformé) un personnage jubilatoire haut en couleurs qui sous ses airs raffinés cache un esprit sadique et superficiel, un enfant gâté paterné par son servile serpent de serviteur, Steven (excellent Samuel L. Jackson).

Calvin Candie (L.DiCaprio)

Beaucoup critiquent Tarantino pour ses grosses approximations et anachronismes historiques. L’on dira qu’il n’était pas si rare avant la guerre de Sécession de voir déjà dans le Sud des personnes noires sur des chevaux, ou bien que les gens ne s’exprimaient pas de telle ou telle façon. Mais comme pour son précédent film, ce n’est pas d’Histoire avec grand H dont il est question, mais plutôt d’histoire dans le sens de la narration. Car comme Bill (dans Kill Bill) ou Schultz qui au coin d’un feu content une fable à un interlocuteur tout ouïe, Quentin aime narrer l’histoire à sa façon, celle d’un gosse amoureux de cinéma, et tout est fait pour que les férus y trouvent leur compte. De l’apparition de guests de toutes les générations télévisuelles jusqu’aux clins d’œil aux Django originaux, derrière l’aspect tragicomique et extrêmement violent du film, si l’on s’attarde sur les détails, l’on se rend compte que l’univers de Tarantino est une mosaïque d’influences dont il ne se cache pas, au contraire.

« Django. Le D est muet » dit Django (J.Foxx) ; « Je sais », répond Vessepi,  joué par Franco Nero, l’interprète du Django original (1966)

Et justement, dans le cadre d’un film, tout est possible. Même de réécrire l’histoire, de se venger d’atrocités commises au moyen d’une réalité alternative. Dans Inglorious Basterds, c’était la jeune juive Shoshanna qui nous offrait ce spectacle, et Django fait la part belle à un esclave de l’Amérique post-coloniale, qui libéré de ses chaînes se déchaîne contre les opulents esclavagistes.

Pour moi, Django, c’est l’occasion de découvrir ou de redécouvrir des facettes du cinéma qui m’étaient peu connues. Un Tarantino, c’est comme un restaurant de cuisine fusion où les palais non préparés découvrent en douceur de nouvelles saveurs qui se combinent à celles qu’ils connaissent déjà. Après, on aime ou on aime pas, mais ça ne laisse personne indifférent.

Tout n’est pas rose à Candieland néanmoins, et il y a dans la dernière demi-heure du film des actions des personnages qui me donnent l’impression d’être là pour mener à ces effusions rouges de partout, typiques du réalisateur, quand peut-être justement pour être surpris, aurions-nous aimé quelque chose de différent.

Tony Leung Chiu Wai – Huayang nian hua

Avec une vidéo très sobre dirigée par le cinéaste Wong Kar Wai. Celui-ci est connu pour ses films inspirés  principalement par la nouvelle vague avec notamment les fantastiques Days of being wild (1991), Chungking Express (1994) et In the mood for love (2000), films dans lesquels Tony Leung Chiu Wai joue. Cette chanson – éponyme au film en mandarin – en explore les mêmes thèmes, à savoir le regret des temps passés et les actes manqués. Comme toujours chez Wong, la façon compulsive qu’ont les personnages à fumer représente le temps qui fuit, la vie qui s’amenuise. En tirant sur leur cigarette, ils semblent provoquer délibérément cette fuite du temps, comme pour précipiter encore plus loin un passé qu’ils aimeraient revivre ou bien oublier.
Le titre original, Huayang nianhua, est en chinois une expression signifiant littéralement « les années des fleurs », et se réfère aux temps révolus, avec une pointe de nostalgie.
Je ne suis pas fan de pop sirupeuse, mais ce morceau (enfin… surtout le film) a eu sur moi, en l’année des fleurs 2007, un effet poignant, en vue des circonstances pendant lesquelles je l’ai découverte.
Ici, les images comme la musique sont sans fioritures, les quelques accords posés au piano restent les mêmes, implacables, comme le tic-tac d’une horloge, les paroles même sont répétées à deux reprises, et seul le violon et les voix s’emportent en choeur, avant de se résigner à la fin (avec ce soupir très significatif de Tony), tout comme dans le thème de Yumeji d’Umebayashi qui retentit maintes fois dans le film. 
 Enfin, on ne peut qu’admirer Tony Leung Chiu Wai (et sa compagne, dommage que ce ne soit pas sa partenaire dans le film, Maggie Cheung), qui en plus d’être un acteur polyglotte et caméléon au jeu très subtil, nous communique très justement le ressenti des paroles, avec de simples regards et cette gestuelle si pondérée, presque retenue.
 Je m’arrête là. Un post compulsif d’insomniaque.

Alejandro s’ramène au bar

Dans un souci d’homogénéité, j’essaie de rassembler sur ce blog tous les articles rédigés de ci de là. Voilà la traduction de ma critique de deux films du réalisateur espagnol Alejandro Amenábar. (Version en anglais ici)

Je viens juste de regarder deux films du jeune réalisateur Alejandro Amenábar.

Le premier s’intitule Abre los ojos (Ouvre les yeux), 1997, que la plupart des gens connaissent mieux dans sa version américaine Vanilla Sky (avec Tom Cruise et Penélope Cruz, qui nous fait le plaisir de sa présence dans les deux films) de Cameron Crowe. Je suis contente de ne pas avoir vue le remake quand j’en ai eu l’occasion il y a plusieurs années , ma mère étant une grande fan de Tom Cruise (bien qu’heureusement son attrait pour lui se soit attenué depuis ses délires scientologiques et katiesques, bref), ce visionnage aurait clairement gâché le plaisir que j’ai eu en regardant la version espagnole.

L’histoire ? César, beau gosse pété de thunes mène une vie épicurienne pleine de coups d’un soir jusqu’à ce que l’un d’entre eux, Nuria veuillle – pas juste une petite envie de poulet à 2 heures du matin, non – non elle veut vraiment que ça ne dure pas qu’un soir. Bien sûr, notre homme à femmes s’en fiche totalement et alors qu’il essaie de la semer lors d’une de ses fêtes, il fait la rencontre de la belle Sofia (Pénélope Cruz) et… évidemment elle fait de notre Don Juan un Prince Charmant éperdument amoureux. Ca aurait pu finir comme cela et nous aurions une énième comédie romantique new-yorkaise – euh madrilène. Vous pouvez vous arrêter ici si vous ne voulez pas que l’intrigue vous soit dévoilée.

Mais voilà que Nuria refait son entrée. Elle lui propose de le ramener en voiture et notre Don Juan bien fatigué accepte. Il ne cille pas trop quand sa conductrice avale une poignée de pilules et commence à parler du bonheur, non. Il commence à flipper quand elle se met à conduire de plus en plus vite. Caramba, nous voilà projetés hors de la route !
Elle meurt. Il vit. Il tient plus d’Elephant Man que de Banderas à présent. Mais ça n’est pas le pire. Les projections dans l’avenir de notre protagoniste nous montre qu’il est désormais à l’asile, accusé de meurtre.

Je n’en dirai pas plus. Juste que nous avons là l’un de ces thrillers à couper le souffle. Tout se mélange et se recoupe comme dans un mauvais rêve.

Le second film s’intitule Les autres, avec Nicole Kidman. L’intrigue se déroule durant la Seconde Guerre Mondiale et nous raconte l’histoire d’une bigote qui vit dans une maison assez glauque entourée de brume avec ses deux enfants photophobes.
Ses domestiques sont partis, envolés. Elle en emploie trois nouveaux. Peu près, les six personnages assistent à des évènements assez étranges dans la maison. On dirait qu’ils ne sont pas seuls.
Ça a l’air cliché comme ça, non ? Bien que d’apparence, il soit très conventionnel, ce film a ses moments de frisson efficaces sans avoir à recourir à des tonnes de peinture rouge et d’effets spéciaux, et a des retournements de situations assez surprenants. Il vaut mieux que la plupart des films du genre qu’on a l’habitude de voir ces temps-ci, dans mon humble opinion.

Hakase no aishita suushiki

Une jeune mère célibataire, Kyoko, est engagée comme femme de ménage par la belle-soeur d’un professeur de mathématiques. Celui-ci vit reclu chez lui depuis un accident qui lui a coûté sa mémoire à court terme… Loin d’être découragée par cela, Kyoko va vite s’attacher au professeur dont l’enthousiasme et la passion pour les nombres sont touchants et communicatifs …
Par le réalisateur du film posthume de Kurosawa Akira, Après la pluie …Comment peut-on développer une amitié avec une personne qui ne se souvient de rien plus de quatre-vingt minutes, pour qui le temps s’est comme figé après un accident dix ans auparavant ? Un destin scellé par un nombre inflexible, qui est rappellé chaque jour au professeur par des notes épinglées sur sa veste ( tout comme Léonard, dans Memento de Christopher Nolan, affligé de la même maladie ). Chaque jour est comme un retour en arrière, si ce n’est ces dates inscrites à la craie qui changent sur le tableau parsemé d’équations. Chaque jour, Kyoko se doit de se présenter à nouveau à son employeur, qui lui pose toujours la même question.
Avec joie de vivre et perséverance, la jeune femme découvre peu à peu que les nombres sont plus que ce qu’ils semblent être, mystérieux, nobles, infinis, liés entre eux par la main de Dieu.

Le professeur et Kyoko

Très vite, elle va passer de plus en plus de temps chez le professeur. Celui-ci, apprenant qu’elle elève un enfant seul, va la prier de le faire venir. Le petit garçon et le professeur vont se découvrir une passion commune pour le base-ball et l’apprentissage du sport à l’équipe de l’école du jeune fan des Tigers va permettre au professeur de donner un nouveau sens à sa vie. C’est ainsi que va se créer une étroite amitié entre les trois protagonistes, sans cesse renouvelée par le professeur, parfois éprouvante mais néanmoins véritable.

RootRoot, narrateur de l’histoire

L’histoire est narrée vingt ans plus tard par le fils de Kyoko, surnommé Root ( racine carrée ) par le professeur à cause de sa tête « plate ». Devenu lui-même enseignant en mathématiques, le jeune homme explique à ses élèves comment le professeur amnésique a su lui donner la passion des nombres, en entrecoupant son récit d’anecdotes sur telle ou telle découverte mathématique, parlant des chiffres en des termes qui les rendraient presque attachants, même pour bon nombre d’entre nous qui gardent de mauvais souvenirs des cours de mathématiques.

Ce film, une ode aux nombres ? Cela serait très réducteur, les nombres sont comme la boxe l’était pour Million Dollar Baby, le fil qui permet aux personnes de se rapprocher, mais l’histoire qui se tisse est celle d’un homme blessé qui va apprendre à accepter son handicap avec l’aide et la patience d’une femme et son enfant. Un petit moment de douceur teintée d’une charmante philosophie sur les nombres, dans le cadre luxuriant et paisible de la campagne japonaise.

Quel mystère se cache derrière les nombres ? Ils sont une porte vers l’infini et sont beaux car inutiles selon le professeur. Une manière de voir les choses qui semble ancrée dans la culture japonaise. Tout comme l’ode au thé est le culte de l’inutile et du superflu, mais surtout de l’instant présent. Le film présente d’ailleurs une très jolie citation du poète William Blake à ce sujet, que je tente de traduire  ci-dessous :

« Voir le monde dans un grain de sable,
Et le ciel en une fleur sauvage,
Garder l’infini dans la paume de ta main,
Et l’éternité en une heure. »

Ma note ♥♥♥

  • Un film très touchant et à la trame originale, avec un regard étonnant sur les nombres.
  • Un fin avec des passages un peu décousus, néanmoins.

Fiche technique

Titre original : 博士の愛した数式 Hakase no Aishita Suushiki, The professor’s beloved equation (L’équation adorée du professeur)
Réalisation : Takashi Koizumi
Année: 2006
Genre : Drame
Avec : Terao Akira (le professeur), Eri Fukatsu (Kyoko), Hidetaka Yoshioka (Root adulte), Takanari Saito (Root enfant), Ruriko Asaoka (la belle-soeur)