Le conte de la Princesse Kaguya

Je te livre mon avis sur ce magnifique film d’animation qu’est Le conte de la Princesse Kaguya, dernier né des mythiques Studios Ghibli…

S’il y a bien quelque chose qui fait que je ne regrette pas mes années d’apprentissage du japonais, c’est bien la littérature de l’ère Heian (794-1185). Parmi les contes écrits durant cette période que j’affectionne figure Le conte du coupeur de bambous  (「竹取物語」Taketori no monogatari ), également connu sous le nom de…

 

Le conte de la princesse Kaguya

Le conte de la princesse Kaguya

Quelle ne fut pas ma joie quand j’ai appris que Isao Takahata, l’autre figure de proue des studios Ghibli avec Hayao Miyazaki, allait adapter le conte sur grand écran.

Le réalisateur du poignant Tombeau des Lucioles (1988) et du touchant Souvenirs goutte à goutte (1991) se fiche bien du budget, du temps que prendra la finalisation et de la popularité de ses films. Longs métrages qui, par leur mélancolie et leur réalisme, presque leur naturalisme, contrastent souvent avec le merveilleux et l’onirisme de Miyazaki.

Le conte de la Princesse Kaguya est donc le résultat d’une idée qui germe dans la tête de Takahata depuis une cinquantaine d’années, rien que ça.

Et ça valait le coup d’attendre…

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La nuit & le soleil

Suite des gribouillis (sans brouillon, au fur et à mesure de mes idées) à thème « animiste ».

Voici la Nuit, je l’ai colorisé sur Photoshop en 2 versions, et comme je ne sais pas laquelle je préfère, je mets les deux. Je n’ai pas grand chose à dire sur ce dessin, si ce n’est que la Nuit porte une petite moustache, parce que j’ai trouvé ça cool (et non, ça n’est pas ironique, et non, je ne suis pas hipster).

La nuit : original
La nuit en inversé

Et ensuite, j’ai fait le Soleil. C’est un Soleil japonais, parce que le soleil s’y lève, et aussi parce que j’aime bien le shintoïsme, l’histoire de la déesse Amaterasu et que les kimonos multicouches – ou Junihitoe – de l’ère Heian (794 à 1185) sont vraiment très jolis. Même si je ne sais pas trop quel poids ça doit avoir et que je doute que ce soit très confortable à porter. Cela dit, je te rassure, mon Soleil, ça le dérange pas, il est né avec :

Toi aussi, tu aimerais essayer un kimono à douze couches mais aurais peur de succomber sous son poids ? Peut-être pas, mais peut-être qu’alors, tu aimerais voir mes autres gribouillis.

Pour cela, il y a Facebook , Twitter, ou Pinterest. Comme Internet est presque aussi vaste que le Système solaire, y a même Google+ & Instagram.

Après y a simplement mes autres gribouilles sur le blog.

Stellairement,

Otaku les enfants du virtuel

Avant toute chose, il est important de définir le terme le plus important de l’ouvrage. D’après l’auteur et d’autres sources, le sens premier d’otaku est littéralement « votre maison, votre foyer » et par extension, il est une façon polie de s’adresser à son interlocuteur, équivalent au vouvoiement français, mais plus impersonnel.
Nakamori Akio, un chroniqueur à l’Asahi Shinbun, détourne le terme en 1983 et s’en sert pour désigner cette nouvelle génération de japonais consommatrice à l’extrême, friande de culture populaire, liberée des contraintes économiques et politiques de la guerre, et qui répugne à mûrir et à affronter la réalité. Le terme otaku s’avère adéquat en ce sens que ces jeunes s’isolent, pas seulement physiquement car pour ce phenomène le terme d’Hikikomori (adolescents et jeunes adultes qui s’isolent dans leur chambre, n’en sortant que pour les besoins les plus vitaux )est plus approprié, mais qui se servent de l’univers virtuel que leur apporte les médias pour s’échapper des contraintes du quotidien et des relations avec autrui.

Dans l’ouvrage, Etienne Barral va tenter de déterminer les origines précises, non seulement sociologiques mais aussi psychologiques de l’otakisme (néologisme répété maintes fois dans le livre) qui va se réveler être un phénomène bien plus complexe et polymorphe qu’il n’y paraît, véritable reflet du profond malaise qui touche les nouvelles générations nippones, tiraillées entre les anciennes valeurs qui firent la fierté du pays, la pression scolaire et sociale implacable et le désir d’individualisme propre à notre civilisation occidentale actuelle. Ainsi, l’auteur s’éloigne parfois un peu du phénomène d’otakisme en lui-même pour dresser un portrait du Japon à l’ère du nouveau millénaire, un portrait peu glorifiant d’un pays aux nouvelles technologies tellement développées qu’elles semblent parfois écraser les individus…

L’ouvrage se découpe en trois grandes parties. Les deux premières parties, Dans la Société des Otaku et Les Otaku dans la Société, sont intrinsèquement liées entre elles, s’expliquant et se recoupant l’une autre, faisant souvent mention des mêmes thèmes mais sous des angles différents. La troisième partie, l’Otakaumisme, fait mention du cas particulier de la secte Aum et de ses liens avec l’Otakisme.

Dans la Société des Otaku, ou un microcosme reflétant les problèmes et perversions du macrocosme nippon.

Dans cette première partie, Etienne Barral s’entretient avec différents otaku aux centres d’intêrets parfois différents mais qui ont tous des traits de caractères communs : ils vouent une grande passion à un domaine particulier qui prend toute leur attention, ils ont des difficultés ou ne ressentent pas le besoin des rapports à autrui et vivent dans la fascination de jeux, d’objets, de personnages fictifs ou de personnalités celèbres. Certains abandonnent toute carrière aussi prometteuse soit-elle pour s’adonner à la construction de maquettes ou à la fabrication de poupées correspondant à leur idéal féminin.
Ces jeunes gens sont tous marqués par un grand manque de confiance en eux, par la peur de l’engagement et un rapport égoïste à l’autre, tel celui du bébé à sa mère. Ils vivent dans un univers de besoins et pour y répondre sans la contrainte de se plier aux désirs de l’autre, ils s’évadent dans un monde de fantasmes matérialisé par des robots, poupées, des jeux vidéos d’aventure ou de simulation amoureuse, des photos de jeunes filles en uniformes scolaires, des idols (ou célébrités typiquement japonaises, promues aux rangs de déesses et soumises à une grande pression pour rester en haut de l’affiche ) ou des manga plus ou moins érotiques.
Les otaku sont des êtres plein de paradoxes. Incapables de relations sociales, ils ont un énorme besoin d’amour et d’attention. Solitaires, timides et renfermés, c’est pourtant en groupes qu’ils se permettent des travers tels que suivre telle célébrité à la trace dans tout l’archipel (on appelle ce genre d’otaku des ikkake, ou fileurs à la trace) ou de prendre des clichés des sous-vêtements de leurs idoles quitte à se faire confisquer leur matériel.
L’auteur dénonce la perversion et l’hypocrisie de la société japonaise qui dénigre les otaku, mais qui a bien compris leur potentiel de consommateurs frénétiques. Le phénomène otaku est en effet un marché très lucratif, avec son lot de poupées, jeux vidéos, manga et produits dérivés mais ils sont paradoxalement synonymes de honte pour la société. Le cas de l’otaku ayant tué quatre petites filles, Miyazaki, est l’une des premières causes du mépris qu’ils inspirent mais ils sont surtout le reflet des problèmes à plus grande échelle du pays. Ainsi, l’abondance de manga, de photos ou de jeux à caractère sexuel semble démontrer un problème sous-jacent de la société japonaise qui prive très tôt ses adolescents de tout épanouissement social et les cloître dans un système scolaire puis professionnel trop exigeant basé sur la réussite, la mémorisation par coeur et la compétition acharnée. Il est difficile pour un adolescent de se construire une personnalité saine dans de telles conditions. La société qui stigmatise les travers des otaku  semble avoir oublié que depuis longtemps, les Japonais sont friands d’érotisme, comme en témoignent certaines Ukiyo-e ( ou estampes ) de l’Ere Edo, tolérés avant que la morale judéo-chrétienne occidentale n’influence la mentalité nippone.
En réaction à cette pression parfois trop forte, les otaku tentent de braver les interdits sociaux, consommant de manière détournée, apportant des capitaux mais ne produisant rien, copiant leurs auteurs favoris dans des fanzines de manga, prenant leurs « idoles » pour de simples objets sexuels. Ils refusent de se soumettre aux valeurs traditionnelles assignées aux hommes et aux femmes comme le démontrent les exemples des manga pour jeunes hommes parfois violents, symboles de leur frustration par rapport à une mère trop protectrice et exigeante, ou des yaoi, manga pour filles mettant en scène des relations amoureuses entre jeunes hommes effeminées, les délivrant du schéma typique des contes de fées. Les otaku s’échappent dans une sous-culture qui leur permet de s’affirmer mais y reproduisent les schémas pervers de la société qu’ils rejètent. C’est à qui sera le meilleur collectionneur, admirateur et non plus celui qui entrera dans la meilleure université et aura la carrière la plus prestigieuse. C’est un véritable cercle vicieux, une sorte de rébellion qui est à la fois réprimée et alimentée.
Avec compassion, l’auteur explique les origines de ce phénomène de l’otakisme. Il est le résultat d’une trop grande prosperité économique malgré la crise du début des années 90, mais surtout d’une consommation de masse et d’une compétivité poussées à l’excès après la deuxième guerre mondiale. Les jeunes japonais ne parviennent plus à s’identifier aux valeurs de leurs aînés, désormais inutiles. Ils n’ont plus de raison de se battre, ils ont tout ce qu’ils désirent matériellement, pourtant on continue à les presser vers une société toujours plus exigeante et peu soucieuse des individus à part entière. Aussi se réfugient-ils dans un univers aux héros courageux auxquels ils peuvent s’identifier. L’auteur compare les otaku japonais aux toxicomanes de nos contrées, et il est vrai qu’ils sont similaires en ce point qu’ils cherchent à fuir une réalité trop éprouvante.

Les otaku dans la société, ou les causes extérieures de l’otakisme.

Dans cette seconde partie, l’auteur reprend les grands thèmes de la première en s’attardant non pas sur les otaku, mais sur la société qui les a crées et ses déviances.
Le Japon a depuis longtemps été un pays fondé sur le groupe et non pas les individus. L’auteur associe notamment cela à la culture du riz, aliment important chez les Japonais, qui est une céréale qui nécessite des soins extrêmes ne pouvant être promulgués par une seule personne. Passée cette anecdote historique, il explique en quoi le système de fonctionnement des otaku est lié à un système d’éducation qui dès la petite enfance, exige des petits Japonais qu’ils correspondent parfaitement aux désirs de leurs parents. Pouponnés, chéris, éduqués et aiguillés dans leur scolarité par leur mère qui laisse souvent sa carrière professionnelle de côté pour cela, les jeunes japonais n’ont guère le choix de leur orientation. Ils se doivent de répondre à des exigences précises. L’auteur traite notamment de la notion d’hensachi (classement des étudiants par niveau à l’origine de la compétition ), très importante dans la société japonaise.
L’uniforme scolaire japonais est l’un des symboles les plus représentatifs du système éducatif. Il symbolise l’uniformisation extrême désirée par la nation, qui malgré ses idées progressistes et démocratiques d’après guerre, a vite retrouvé les idéaux nationalistes qui caracterisent l’archipel depuis sa période médiévale. Ainsi, cet extrême besoin d’uniformisation crée des problèmes assez conséquents au sein des établissements scolaires…
L’auteur aborde le phénomène des ijime (littéralement intimidation, moquerie ), ces boucs émissaires qui sont agressés, rackettés, humiliés par leurs camarades, illustrant ces faits d’un proverbe japonais très évocateur affirmant qu’il faut frapper sur la tête de tout clou qui dépasse… Ces adolescents n’ont que peu de recours pour s’en sortir, les proviseurs étant trop préoccupés par les résultats, ils considèrent ces agressions comme dérisoires. Pourtant, les ijime comme beaucoup de Japonais vont parfois jusqu’à se suicider. L’héritage de la voie du guerrier n’est pour pas grand chose dans cette « vague » de suicides ( la plus importante au monde ) qui touche l’archipel, si ce n’est le sentiment de déshonneur qui s’empare des brimés. Victimes de leurs semblables eux-même victimes de cette éducation fondée sur l’uniformité et la compétition, ils sont comme les otaku le reflet d’un malaise recrudescent qui forme un cercle vicieux dans la société nippone. S’en suit le portrait d’un otaku passionné de dessins animés de monstres, pour la simple raison qu’il s’y identifie. Ils sont différents et ont le pouvoir de détruire tout ce qui symbolise ses détracteurs.
A défaut de pouvoir tout détruire, les otaku ont un grand pouvoir d’achat et comme vu précedemment, le marché en a conscience. Révoltés d’être utilisés et brimés à la fois, les otaku détournent leur système éducatif et s’en servent à leurs propres fins, se servant de leurs capacités de mémorisation pour des choses dérisoires, classant leurs idoles comme ils sont classés par l’hensachi, détournant les bandes dessinées dont ils sont fans et se moquent des médias.
A ce propos, l’auteur aborde le sujet des Masukomi (de « mass communication »), désignant par ce terme l’influence exhacerbée à l’excès des médias japonais. Il traite du matraquage médiatique quant à certains grands evenèments et de cette nécessité qu’ont les japonais d’emmagasiner le plus d’informations et d’actualités possibles pour ne pas perdre le fil des conversations. Semblable à l’otakisme, ce phénomène témoigne de l’importance de la compétition et de l’uniformisation dans les moeurs. Le ridicule de la suprématie des médias est démontré non sans une pointe d’humour avec l’exemple des photos de nue de l’idol Miyazawa Rie qui avaient créees une véritable frénésie dans l’archipel. Dans la foulée, il aborde à nouveau le cas de l’otaku meurtrier Miyazaki, dont le cas particulier fut généralisé par les médias, cataloguant tous les otaku comme des psychopates en puissance. Maintenant dissipé, ce malentendu a laissé place à une tolérance plus grande des otaku, comme en témoigne le surprenant chapitre consacré à un otaku promu professeur d’otakisme à la grande Université de Tôkyô. L’auteur achève cette deuxième partie sur des considérations prenant partie pour les otaku. Il affirme que la société qui les stigmatise est elle-même de plus en plus « otakisée », rappellant que leurs déviances existaient bien avant l’apparition du phénomène. Les otaku sont en quelque sorte au Japon ce que sont les ijime aux cours des lycées.

 L’otakaumisme, un autre symptôme du malaise japonais.

Cette troisième partie traite de la secte Aum, menée par Asahara Shôkô et responsable de la diffusion d’un gaz mortel dans les rames du métro tokyoïte en 1995. On pourrait s’interroger quant au lien entre otakisme et cette secte, mais il s’avère que tous deux sont des symptômes du malaise qui touche les jeunes japonais.
Se servant de la culture otaku et d’un mélange grossier entre différentes religions et autres thèses mystiques (prédictions de Nostradamus, etc…), le gourou Asahara recrutait des jeunes japonais issus des plus prestigieuses universités en manque de considération. Mûs par un besoin de reconnaissance, de communication et de compréhension de leur existence, ces jeunes personnes censées être brillantes se sont averées être de parfaites marionnettes entre les mains de ce gourou aveugle et mégalomaniaque. L’auteur explique cela par le fait que les japonais manquent pour la plupart cruellement de sens critique, à cause de leur éducation fondée sur l’apprentissage par coeur et les questionnaires à choix multiple. Il leur est donc difficile de faire la part les choses, de s’interroger sur le bien fondé de leurs actions. Ils ne peuvent croire les générations précédentes et Barral accuse en effet le Ministère de l’Education japonais de se déculpabiliser des crimes commis par le pays dans le passé, en atténuant les faits dans les livres d’histoire. Orgueilleux, le collectif japonais semble préférer cacher ses travers ou les stigmatiser, laissant la génération du virtuel livrée à elle-même et à ses interrogations…

 Si tous les Otaku du monde. Les parias du Japon actuel imités de par le monde.

Pour conclure, Barral démontre que l’otakisme ne s’arrête pas au Japon, mais qu’il prend une ampleur internationale. Néanmoins, même si la ferveur pour la culture populaire du Japon grandit, l’otakisme japonais est bel et bien un phénomène à part entière, de par ses causes profondément ancrées dans l’histoire et la mentalité du pays. De par le monde, c’est surtout une étrange nostalgie de l’enfance qui s’installe chez la génération des 20 à 30 ans de nos pays occidentalisés.

Il y a bien peu à analyser dans cette oeuvre tant elle constitue en soi une véritable analyse sociologique de la culture japonaise moderne. Néanmoins, je peux affirmer que cette oeuvre m’a fait voir les causes plus profondes de l’otakisme, et m’en a appris plus sur des faits que je ne savais que de manière anecdotique.
L’otakisme constitue pour moi l’une des centaines de dérives qui sont naturelles dans nos sociétés humaines, si complexes et peu soucieuses des réelles aspirations des individus. A vouloir façonner les hommes selon une image bien précise, on ne fait que réveiller ses pulsions les plus primaires. A l’image des livres de Murasaki Ryu, auteur sombre qui nous livre sa vision pessimiste d’un Japon névrosé ou encore des films sociaux de Kitano Takeshi tels Dolls, abordant entre autres l’histoire d’un otaku qui va jusqu’à se crever les yeux pour son idol préféré ou Kids return, qui traite du destin de deux lycéens laissés pour compte par le système éducatif, Otaku les enfants du virtuel dépeint un Japon moderne bien loin des récits épiques et nobles de samouraïs. Tiraillé depuis l’ère Meiji et plus encore depuis la Seconde Guerre Mondiale, entre ses valeurs traditionnelles et l’industrialisation apportée par l’Occident, encore souillé des blessures d’Hiroshima et Nagasaki et honteux des horreurs commises en Mandchourie entre autres, ce Japon vacillant du début du XXIe siècle tente désespérement de maintenir une image de force et de stabilité. Les otaku et leur culture populaire basée sur l’enfance et le fantasme, sont comme les symboles du mal sous-jacent de ce pays profondément nostalgique et cet ouvrage en fait une belle démonstration.
De plus, on peut étendre les problèmes soulevés dans ce livre au reste des pays industrialisés, même en France, l’on peut remarquer que les médias prennent une place extrêmement importante chez beaucoup de personnes, qui consomment à outrance et se désintéressent de plus en plus de ce qui ne leur apporte pas un confort immédiat et ephemère. Les publicités nous promettent bonheur immédiat à grand renfort de produits inutiles et jeunesse éternelle à grand renfort de cosmétiques. La nostalgie de la jeunesse et la peur de vieillir sont plus que d’actualité en cette époque de plus en plus scientifique et empiriste, dans laquelle la spiritualité ne rassure plus autant. Le virtuel constituerait-il un moyen de s’assurer la prosperité ou du moins d’oublier notre condition mortelle ?

Ma note ♥♥♥

  • Un ouvrage datant de 1999 dont le thème est de plus en plus d’actualité, très complet pour un auteur soucieux de livrer une image différente de l’otaku et d’en déterminer sans a prioris les origines.
  • Néanmoins, le découpage du livre est parfois maladroit, on a beaucoup de répétitions ou de retours en arrière, les mêmes thèmes abordés ou revus à plusieurs reprises dans des chapitres différents.

Fiche technique

Auteur : Etienne Barral
Titre original :
OTAKU, les enfants du virtuel 
Année :
1999 
Genre :
Sociologie
Environ 315 pages, éditions DeNoël  ou J’ai Lu.

Hakase no aishita suushiki

Une jeune mère célibataire, Kyoko, est engagée comme femme de ménage par la belle-soeur d’un professeur de mathématiques. Celui-ci vit reclu chez lui depuis un accident qui lui a coûté sa mémoire à court terme… Loin d’être découragée par cela, Kyoko va vite s’attacher au professeur dont l’enthousiasme et la passion pour les nombres sont touchants et communicatifs …
Par le réalisateur du film posthume de Kurosawa Akira, Après la pluie …Comment peut-on développer une amitié avec une personne qui ne se souvient de rien plus de quatre-vingt minutes, pour qui le temps s’est comme figé après un accident dix ans auparavant ? Un destin scellé par un nombre inflexible, qui est rappellé chaque jour au professeur par des notes épinglées sur sa veste ( tout comme Léonard, dans Memento de Christopher Nolan, affligé de la même maladie ). Chaque jour est comme un retour en arrière, si ce n’est ces dates inscrites à la craie qui changent sur le tableau parsemé d’équations. Chaque jour, Kyoko se doit de se présenter à nouveau à son employeur, qui lui pose toujours la même question.
Avec joie de vivre et perséverance, la jeune femme découvre peu à peu que les nombres sont plus que ce qu’ils semblent être, mystérieux, nobles, infinis, liés entre eux par la main de Dieu.

Le professeur et Kyoko

Très vite, elle va passer de plus en plus de temps chez le professeur. Celui-ci, apprenant qu’elle elève un enfant seul, va la prier de le faire venir. Le petit garçon et le professeur vont se découvrir une passion commune pour le base-ball et l’apprentissage du sport à l’équipe de l’école du jeune fan des Tigers va permettre au professeur de donner un nouveau sens à sa vie. C’est ainsi que va se créer une étroite amitié entre les trois protagonistes, sans cesse renouvelée par le professeur, parfois éprouvante mais néanmoins véritable.

RootRoot, narrateur de l’histoire

L’histoire est narrée vingt ans plus tard par le fils de Kyoko, surnommé Root ( racine carrée ) par le professeur à cause de sa tête « plate ». Devenu lui-même enseignant en mathématiques, le jeune homme explique à ses élèves comment le professeur amnésique a su lui donner la passion des nombres, en entrecoupant son récit d’anecdotes sur telle ou telle découverte mathématique, parlant des chiffres en des termes qui les rendraient presque attachants, même pour bon nombre d’entre nous qui gardent de mauvais souvenirs des cours de mathématiques.

Ce film, une ode aux nombres ? Cela serait très réducteur, les nombres sont comme la boxe l’était pour Million Dollar Baby, le fil qui permet aux personnes de se rapprocher, mais l’histoire qui se tisse est celle d’un homme blessé qui va apprendre à accepter son handicap avec l’aide et la patience d’une femme et son enfant. Un petit moment de douceur teintée d’une charmante philosophie sur les nombres, dans le cadre luxuriant et paisible de la campagne japonaise.

Quel mystère se cache derrière les nombres ? Ils sont une porte vers l’infini et sont beaux car inutiles selon le professeur. Une manière de voir les choses qui semble ancrée dans la culture japonaise. Tout comme l’ode au thé est le culte de l’inutile et du superflu, mais surtout de l’instant présent. Le film présente d’ailleurs une très jolie citation du poète William Blake à ce sujet, que je tente de traduire  ci-dessous :

« Voir le monde dans un grain de sable,
Et le ciel en une fleur sauvage,
Garder l’infini dans la paume de ta main,
Et l’éternité en une heure. »

Ma note ♥♥♥

  • Un film très touchant et à la trame originale, avec un regard étonnant sur les nombres.
  • Un fin avec des passages un peu décousus, néanmoins.

Fiche technique

Titre original : 博士の愛した数式 Hakase no Aishita Suushiki, The professor’s beloved equation (L’équation adorée du professeur)
Réalisation : Takashi Koizumi
Année: 2006
Genre : Drame
Avec : Terao Akira (le professeur), Eri Fukatsu (Kyoko), Hidetaka Yoshioka (Root adulte), Takanari Saito (Root enfant), Ruriko Asaoka (la belle-soeur)

Otogi Zoushi

Durant l’ère Heian (794-1185), la capitale est touchée par la misère et la famine. L’archer Minamoto no Raikou, figure légendaire de l’archipel nippon, est chargé de récupérer les Magatama*, des pierres qui selon le grand onmyouji** Abe No Seimei, permettraient de restaurer la paix dans la capitale…

Mais il se trouve que Minamoto no Raikou est souffrant, c’est donc sa soeur cadette Hikaru qui, déguisée en jeune samuraï, va être secrètement chargée de la mission. Accompagnée de son fidèle serviteur, Watanabe no Tsuna, elle va apprendre la vie de guerrier. D’autres personnages vont se joindre à la quête, comme Usui no Sadamitsu, à première vue un présomptueux coureur,  la très calme mais redoutable Urabe no Suetake ou le garçon à la force légendaire, Kintarou.
Ils vont vite découvrir que leur quête n’a pas la finalité qu’ils croyaient et vont devoir faire face à des ennemis inattendus.

Dans des décors de toute beauté comme peints à l’aquarelle, les personnages aux traits réalistes sont vite attachants.  Les treize premiers épisodes sont inspirés du recueil de légendes éponyme : les personnages principaux en sont des figures majeures même s’ils ont été grandement modifiés dans cette version. Par exemple, Sadamitsu était à l’origine une femme et Urabe un homme. Le mystérieux Abe no Seimei (ayant réellement existé durant l’ère Heian), quant à lui, a pour une fois un rôle assez différent de ceux qu’il a dans la légende ou d’autres oeuvres.

Les treize épisodes restant prennent une toute autre tournure, en effet, ils se passent dans le monde contemporain et ont pour thème les légendes urbaines de la ville de Tôkyô. Les personnages restent les mêmes, ce qui est assez déstabilisant, mais un lien se tisse entre les deux histoires à priori sans corrélations. Néanmoins, le dessin de cet arc se dégrade, les proportions des personnages sont parfois étranges et ils ne sont plus si attachants. Leur esprit d’équipe trouve moins de justifications que dans l’arc précédent. Traiter des légendes urbaines était intéressant, mais la sauce ne prend plus aussi bien que dans l’épique arc médiéval.

*Magatama :  pierres symbolisant les cinq éléments (terre, eau, métal, feu, bois).
** Onmyouji : adepte d’Onmyoudo, une théorie basée sur l’interaction des cinq éléments et du Yin et du Yang. Pour plus d’informations, voir sur Wikipédia (en anglais).

Musique

Le premier générique de début, Zen, de Attack Haus,  un peu abrupt, est néanmoins entêtant et agrementé de jolies images. La bande-son signée Taniuchi Hideki (auteur de celle de Death Note, notamment) passant des guitares lourdes aux flûtes traditionnelles sied très bien aux images.
Le générique de fin, Hoshi Ni Negai Wo, de Kawabe Chieko, est un titre pop simple sans trop d’intêret. C’est aussi le générique de fin de l’anime Elfen Lied, d’ailleurs.
Le deuxième opening, Ashita ha kyou to onaji mirai interpreté par Gomez the Hitman, aux sonorités pop-rock, est plutôt entraînant et voir les personnages chanter les paroles avec beaucoup de réalisme dans leur gestuelle en fait un générique assez original… L’ending, toujours interpreté par Kawabe Chieko, Cry baby cry, est une mélodie pop douce amère qui se laisse écouter.
Kenji Kawai (BO de Ghost In The Shell,entre autres) participe à la bande son du deuxième arc, avec des titres électros, parfois planants et oniriques. Cela contribue pour beaucoup à l’ambiance étrange aux accents surnaturels plus prononcés.

Ma note ♥♥♥

  • Beaux graphismes, personnages et histoire intéressants, bande-son agréable.
  • Néanmoins, la qualité à la fois de l’animation et du scénario tend à se déteriorer dans le deuxième arc, avec toutefois de bons épisodes.

Je me devais de faire la publicité de cet anime encore trop peu méconnu !

Fiche technique

Titre original : お伽草子
Nombre d’épisodes : 26
Genre : Aventures, historique, fantastique
Année : 2004
Studio : Production I.G.

Le livre du thé

Le livre du Thé est un ouvrage aux multiples facettes, au style fluide, agréable et clair, qui m’a donné l’impression de lire à la fois un recueil de fables, un ouvrage sociologique et philosophique. L’auteur introduit le lecteur à l’art du Théïsme avec toute la subtilité que l’on peut attendre d’un adepte, et les sept chapitres aux thématiques bien différentes semblent naturellement liés par le fil conducteur qu’est le Théïsme.

Ainsi, le Livre du Thé constitue un moyen agréable de s’initier à la pensée japonaise, au travers de l’histoire d’un breuvage, certes mais surtout au travers de pensées, de poèmes ou de petites histoires ou anecdotes nous en apprenant plus sur le Taoïsme, le Zennisme, les Maîtres de Thé ou même la décoration japonaise dont la sobriété est explicitée.

Mais Le livre du thé est également une critique parfois assez acerbe de l’Homme, et surtout des occidentaux. Dans le premier chapitre, par exemple, il déplore l’étroitesse d’esprit et le manque d’efforts de compréhension que font les Occidentaux par rapports aux Orientaux. Il explique que l’Extrême-Orient a aussi eu des préjugés ridicules sur l’Occident, avec humour. Il compare la situation actuelle au mythe taoïste du Non-Commencement, dans lequel le ciel est fissuré. Pour l’auteur, ce ciel scindé en deux représente aujourd’hui la scission entre l’Occident et l’Orient et il souhaite que cesse cette dualité, que les deux pôles se complètent. Cela lui paraît idyllique, aussi  pense t-il que le thé constitue un moyen universel d’oublier cette utopie, car il permet de s’extasier de la beauté des choses simples et d’oublier les soucis du quotidien. Il cite d’ailleurs bon nombre de personnalités, d’esprits éclairés, qui, Orientaux ou Occidentaux, avaient en commun un goût prononcé pour le breuvage.

La critique à l’égard de l’Occident est compréhensible en cette époque de changements majeurs pour l’Asie, tiraillée entre traditions et modernisation. L’auteur craint que la culture millénaire si riche de son pays en soit ternie et c’est pourquoi il la défend, démontrant qu’elle est loin d’être étrange, excentrique ou barbare, mais subtile et pleine de nuances, comme autant de variétés et de façons de préparer le thé au fil des années, des courants de pensée et d’écoles.

Bref, un ouvrage que j’ai essayé de voir d’un oeil critique mais auquel je ne peux trouver qu’un seul réel défaut : sa brieveté.
Je n’ai pas vu passer le temps en lisant ce petit bijou de la littérature japonaise.

Fiche technique

Auteur : Okakura Kakuzo
Année : 1903
Genre : Philosophie, Histoire, Essai
Ma note : ♥♥♥♥ Je suis fan !